Les scientifiques ont définitivement confirmé que des couches de graphène spécialement torsadées présentent une supraconductivité, un phénomène dans lequel les matériaux conduisent l’électricité sans résistance. Les dernières découvertes, publiées dans Science le 6 novembre, renforcent l’hypothèse selon laquelle ce graphène « à angle magique » appartient à une classe déroutante de supraconducteurs qui défient les explications conventionnelles. Cette découverte pourrait constituer une étape cruciale vers la compréhension et la conception de supraconducteurs fonctionnant dans des conditions moins extrêmes, potentiellement même à température ambiante.
Le puzzle de la supraconductivité non conventionnelle
Les supraconducteurs sont recherchés depuis longtemps pour leur efficacité dans la transmission de l’énergie, mais la plupart nécessitent des températures extrêmement froides pour fonctionner. Les supraconducteurs conventionnels reposent sur l’appariement d’électrons via des interactions avec la structure atomique du matériau. Cependant, dans les années 1980, des chercheurs ont découvert des matériaux – comme les cuprates – qui présentaient des comportements supraconducteurs que ce modèle ne pouvait pas expliquer. Ces supraconducteurs non conventionnels restent mal compris, mais offrent un potentiel pour des applications plus pratiques.
Comment le graphène torsadé s’intègre-t-il
La clé réside dans l’empilement de feuilles de graphène (carbone monocouche) et dans leur torsion selon un « angle magique » précis. En 2018, des chercheurs dirigés par Pablo Jarillo-Herrero ont observé pour la première fois la supraconductivité dans cette configuration, mais la preuve définitive restait insaisissable. Aujourd’hui, l’équipe a fourni des preuves irréfutables que le graphène torsadé à trois couches se comporte comme d’autres supraconducteurs non conventionnels, y compris la présence de nœuds dans son espace énergétique.
Les nœuds signifient que les électrons dans certaines directions ne sont pas liés en paires (paires de Cooper) – une caractéristique de nombreux matériaux non conventionnels. Le fossé énergétique, qui détermine la quantité d’énergie nécessaire pour briser ces paires, varie en fonction de l’impulsion des électrons. Ce comportement a été confirmé en créant un sandwich graphène-isolant-graphène et en mesurant l’effet tunnel électronique, qui a révélé la structure de l’écart énergétique.
La simplicité comme avantage
L’attrait du graphène à angle magique ne réside pas seulement dans ses propriétés supraconductrices, mais aussi dans sa simplicité. “Il s’agit d’un système chimiquement vierge. Ce n’est que du carbone”, explique le physicien Ali Yazdani. Contrairement aux cuprates complexes, le graphène offre un environnement plus propre pour étudier la physique fondamentale de la supraconductivité non conventionnelle.
La voie à suivre
Le consensus croissant parmi les scientifiques – soutenu par de multiples confirmations expérimentales – suggère que le graphène torsadé pourrait être le terrain d’essai idéal pour développer une théorie unificatrice de la supraconductivité non conventionnelle. Si les chercheurs parviennent à déchiffrer les mécanismes sous-jacents, ils pourraient concevoir des matériaux supraconducteurs à des températures plus élevées, révolutionnant ainsi la technologie énergétique.
Plus les preuves issues des différentes expériences sont cohérentes, plus nous nous rapprochons d’une avancée décisive. Comprendre le fonctionnement de ces matériaux ouvrira la voie à des possibilités que nous n’avions même pas encore imaginées.
